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[#66 retro test] Zelda Twilight Princess – transmettre un jeu culte de père en fils

Temps de lecture : 8 minutes


C’est assurément le vieux rêve du daron gamer depuis les débuts d’octopaddle.fr… à savoir : faire découvrir de grands classiques du jeu vidéo à ses enfants, un peu comme on ferait découvrir un film édifiant de l’histoire du cinéma. Ou un peu comme on irait taper dans un ballon au parc le dimanche après-midi. Tout ça en même temps !

Mon fils de 10 ans n’avait pas tellement apprécié Link’s Awakening sur la Switch – sans doute trop rétro pour cette génération – et s’en était étonnamment rabattu sur Starcraft 2, ce qui l’occupait pas mal (et le rendait d’ailleurs un peu dingue) cet automne. Histoire de lui montrer un peu mes skills, j’ai refait un petit détour par mes vieilles amours du jeu en ligne vite remises au placard à cause du risque d’addiction caractérisée…! Mais alors que fallait-il faire pour bien commencer l’année 2020 ?

Le choix n’allait pas forcément de soi. Avec le grand frère (aujourd’hui 19 ans), quelques années plus tôt, Zelda Twilight Princess avait été un problème car le jeu était indiqué « interdit aux moins de 12 ans ». Le bougre était alors passé à côté de ce petit bijou pour des questions de divergences éducatives que je ne développerai pas davantage ici. La vie étant trop courte, et l’ambition de son cadet d’en découdre devenant de plus en plus manifeste, j’ai fini par céder, alors même que nous n’avions pas torché The Wind Waker – la faute à cette fichue pêche à la triforce, qui en aura dégoûté plus d’un.

Bref. Retro-gaming, en veux-tu en voilà ! Nous jouons actuellement à la version Game Cube, parfaitement émulée par la Wii, sur laquelle nous avons branché des manettes Game Cube d’origine, sans doute parmi les meilleures manettes de jeu jamais inventées. Cette version est d’ailleurs plus cotée que la version Wii pour des raisons qui m’échappent un peu. Un pote m’avait d’ailleurs endormi la boîte de jeu pendant 2 ans… c’est dire.

Je le confesse : je pratique, avec mon fils, des sessions de binge playing, si je peux me permettre un tel néologisme – qui vient du binge drinking, popularisé dans les années 2010, et qui a été décliné en binge watching à l’ère de Netflix et des séries à la demande. Il y a toujours cette idée d’abus dangereux, et un petit sentiment de culpabilité à s’adonner à ce genre de pratique très consumériste et un tantinet autiste. Deux à trois heures de jeu d’affilée pour assurer l’immersion, ce n’est peut-être pas la meilleure éducation à donner à un enfant. Et c’est aussi quelque part renouer avec sa prime jeunesse de célibataire et/ou d’étudiant, en éternel adulescent irresponsable façon Guybrush Threepwood.

Lorsque nous avons allumé le jeu pour la première fois, les anciennes sauvegardes commençaient décidément à dater : 2008 et 2014, tout de même ! Il s’agit donc de mon troisième run dans l’Hyrule du crépuscule. Mais cette-fois, c’est le effectivement mon gosse qui tient la manette. Je ne suis là que pour prendre le relais de temps en temps, étant donné la difficulté de certains puzzles ou manips’, tels les mélodies de hurlements de loups.

En ce qui concerne le jeu en lui-même, force est de constater que la mise en scène et le gameplay sont tous simplement parfaits. Twilight Princess avait été un des jeux phares de la Wii à sa sortie, à l’instar de Breath of the Wild sur Switch il y a 2 ans.

L’esthétique sombre et mature du jeu est très spéciale, et témoigne de l’influence du Seigneur des Anneaux et de Matrix – et peut-être d’autres – dans la première décennie des années 2000. Le portage HD ssur Wii-U devrait être, à mon avis, très sympa, mais bref, en attendant, nous jouons sur vidéo-projecteur, avec ampli et enceintes : l’immersion est totale, et on profite de toute la beauté de ce jeu. Les défauts esthétiques sont très rares et ça fait plaisir, pour un jeu qui a plus de 10 ans, presque 15 quand on y pense.

Au niveau du gameplay, je regrette, tout comme dans Wind Waker, la limitation pénible de la bourse de rubis en début de partie, et par extension la limitation du nombre d’objets sympas à acheter et de quêtes secondaires à faire. On passe beaucoup de temps à remettre des gros rubis dans les coffres des donjons, car on n’a plus de place dans la bourse… Il me semble que le reboot du jeu a permis de corriger ce défaut, tout du moins je l’espère. Enfin, chose qui m’a toujours un peu déçue, l’ultime objet-clé (le double-grappin, que l’on trouve dans l’incroyable dernier donjon) est un peu nul, là où d’autres opus nous mettaient des flèches de lumière ou un item décisif super hypé.

Puisque j’en parle, les donjons s’enchaînent très bien, ils sont longs, denses et ramassés. L’équilibre entre le temps passé sur la map et le temps passé dans les donjons est très bien dosé. Parfois, ça se bouscule un peu au niveau des objets de quête, qui arrivent les uns après les autres quasiment d’un seul coup. Ceci dit, il y a une vraie continuité entre Ocarina of Time, Wind Waker et par la suite Skyward Sword en terme de stratégies classiques de gameplay et d’innovation. Le chara-design de Link est peut-être un des plus aboutis de la saga : il commence en simple fermier du village de Toal, puis se transforme en loup, puis endosse enfin la tenue du héros bien connue. Il a toujours la classe et ce côté naïf qui lui sied bien. A noter qu’on peut même donner un nom au cheval…!

D’un point de vue scénaristique, le jeu a peut-être les yeux plus gros que le ventre en ce qui concerne la mise en scène du monde du crépuscule. Ca semble parfois le prétexte pour accumuler des détails horrifiques, pour booster efficacement l’expérience émotionnelle du joueur ado-adulte : les grottes sombres où on se fait des frayeurs avec lampe à huile, les immondes araignées géantes du premier donjon, les habitants changés en feux follets, les spectres, le fantôme tragique de la reine Zora, les montres noirs à tentacules, l’ogre vert qui kidnappe les enfants, et le puppet Zelda, un des boss des plus affreux de la saga…!

Il y a cependant des retournements intéressants de situation, notamment avec le personnage de Xanto, toujours présenté comme puissant et effrayant, mais qui s’avère au final être une chiffe-molle manipulé par Ganon. Twilight Princess invite à considérer un triple-niveau de lecture à chaque fois. Ce n’est pas simplement une dualité entre les ténèbres et la lumière qui nous est présentée dans ce jeu.

Ainsi, la thématique ultime du jeu réside dans l’animalité du héros. Link devient loup dans le crépuscule, offrant un gameplay spécifique, et boostant l’aspect metroidvania du jeu : accès à d’autres zones, possibilités de voir ou tuer certains ennemis qu’on ne peut tuer en mode humain, téléportation sur des points clés de la map…

On ne pourra changer de forme à loisir que lorsqu’Excalibur sera trouvée, vers les trois quarts du jeu. Autrement, Link subit son animalité, et doit la domestiquer pour gagner en expérience et faire avance sa quête – s’inscrivant dans le schéma traditionnel des Zelda, où l’évolution du héros, dans le plus plus style du bildungsroman, est basée sur l’accumulation du nombre de cœurs et sur l’acquisition des objets-clés – mais étant donné que le jeu reste un triple-A, dirigiste et cadré, ça fonctionne très bien : on reste rarement sur le carreau, même si on n’est pas familier de la franchise.

A noter que l’on retrouvait le thème de l’animalité que le héros doit maîtriser dans l’immense Castlevania : Symphony of the Night, de même, sans que jamais ce thème ne vienne prendre toute la place ou s’impose de façon ronflante dans le cotexte – que ce soit au niveau des dialogues ou de la présentation des quêtes à mener.

Le jeu est ainsi ouvert à une certaine liberté d’interprétation : Link, en tant qu’élu des déesses, est le seul humain à ne pas être changé en feu follet prisonnier du crépuscule. Il garde sa liberté de mouvement et acquiert des pouvoirs – un peu comme Néo dans Matrix – mais doit donc en contrepartie assumer son animalité avant d’être un digne représentant de la lumière, ange total de pureté, digne de brandir Excalibur.

On aurait pu imaginer un scénario encore plus ambitieux où tous les habitants se changeraient en animaux ou en monstres… mais cet aspect-là est déjà présent en ce qui concerne habitants du monde des ombres, que l’on verra somme toute assez peu sous leur véritable apparence. En tant qu’occidental, nous passons aussi certainement à côté de la composante bouddhiste du jeu et le fait que nous passions à côté de cet aspect est également dû au côté très médiéval à l’européenne du jeu, sans doute le plus marqué de toute la saga, qui biaise inévitablement notre grille de lecture.

Twilight Princess fourmille enfin de puissants symboles et de trouvailles de taille. Ainsi, le miroir des ombres est à la fois portail vers un autre monde – au delà des apparences – et portail vers soi, puisque le miroir reflète théoriquement sa propre image. La séquence vidéo où Link est face à ses démons est d’ailleurs un moment d’anthologie dans toute la saga… Mais il n’y a pas que ça. On notera le lac zora gelé, métaphore d’une antique civilisation à bout de souffle, à l’image du Japon vieillissant. Le jeu nous présentera également la plus étrange des complémentarités masculin-féminin dans la sphère domestique à travers le couple formé par le Yeti et son épouse ! Enfin, l’aérorouage, objet-clé qui n’existe que dans cet opus, métaphore de l’objet technique par excellence, et qui en dépit de son aspect totalement anachronique, promet de très bons moments de gameplay.

Je recommande que vous vous y plongiez, si possible en famille ! Mais attention, pas pour les plus petits quand même…

9

The Good

  • - Scénario et esthétique graphismes, bande son
  • - Gameplay
  • - Durée de vie et accessibilité
  • - Thématique ado-adulte

The Bad

  • - La bourse de rubis
  • - Le manque de quêtes secondaires et d'ouverture
9 Octofun ?
9 Adapté à la vie du papagamer ?
3 commentaires
  1. Melkiok
    10 Fév. 2020 à 16:07 -----> lui répondre

    Comme d’habitude un texte des plus juste et gourmand à lire
    et surtout qui respire l’amour du jeu et l’amour du partage avec son bambin d’une expérience gaming très généreuse visiblement
    Beau parallèle que tu as fais avec les influences Pop Culture de l’époque que sont LOTR mais aussi Matrix en en effet
    Il faudrait faire un top des meilleurs jeu à faire découvrir et/ou à jouer avec sa progéniture
    Pour un site se réclamant pro Daron Gamer cela serait un bel article 😉

    Pour ma part un jeu que j’ai découvert comme l’app Killer de la WII mais bien vite le motion Gaming des plus imprécis à vite torpiller ma volonté de progression…tu me donnes l’envie de lui redonner sa chance tiens !

    « Deux à trois heures de jeu d’affilée pour assurer l’immersion, ce n’est peut-être pas la meilleure éducation à donner à un enfant »
    ça ne me choque guère les préco de « 1h de jeu par jour » sponso par Famille de France et autre Madame Royale servi avec des louches de « Danger l’EPILEPSIE vous guette » sont de nos jours totalement désuètes

  2. Lamyfritz
    10 Fév. 2020 à 20:39 -----> lui répondre

    Merci pour ton message Melkiok. J’oubliais au passage un des temps forts de ce jeu, sur lequel nous sommes tombés ce weekend, sur le dernier quart du jeu. Il s’agit évidemment de cette référence poignante à l’univers d’Hayao Myiazaki, qui transpire à travers le donjon de Celestia, du vieux canon qui t’y projette, et dy personnage de Shad, vraiment typique du perso secondaire des films d’animation des Studios Ghibli… Oui, tu devrais t’y replonger, ne serait-ce que pour l’arc Celestia, sans doute un des meilleurs donjons de tous les Zelda, et qui a lui seul a inspiré tout l’univers de Skyward Sword. C’est dire.

  3. octopaddaone
    12 Fév. 2020 à 18:10 -----> lui répondre

    hâte de faire son remake sur … Switch, à coup sûr… sauf si un Skyword vient bousculer le calendrier. (ormis si Breath of Wild 2 ne sort pas avant). Punaine, dingue comme cette série reste intemporelle pour nous.

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