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Je suis un inconditionnel de Castlevania, Symphony of the Night, qui est pour moi le meilleur des Castlevania et même le meilleur jeu de la Playstation 1. C’est dit. Mais bref, il y a trois ans, ici-même, j’avais pronostiqué : « Comme le château de Dracula réapparait tous les siècles, j’ai rejoué à Symphony of the Night à intervalles réguliers, en juin 2010, en juin 2013 et en juin 2016, comme pour être en phase avec le jeu. Prochaine réitération pour juin 2019 ? »
Je ne m’imaginais pas que j’allais, en ce fameux mois de juin 2019, et en pleine canicule de surcroît, rencontrer l’héritière spirituelle d’Alucard (le héros de Symphony of the Night) à travers ce tout nouveau Bloodstained : Ritual of the Night, qui met en scène une héroïne assez badass, j’ai nommé Miriam. Le jeu est sorti sur console et PC pour le solstice d’été, et je viens de le terminer en version PC. Verdict.
Il faut savoir que Bloodstained est un hommage direct à Castlevania Symphony of the Night : les deux jeux partagent le même designer – Koji Higarashi – et le même style de jeu à la metroidvania. Le titre du nouvel opus est volontairement très proche d’un titre Castlevania à l’ancienne : on à les mots blood et night, alors que franchement le scénario n’a à peu près rien à voir avec une marque sanglante ou un quelconque rituel de la nuit…! Question de droits et de marketing, j’imagine. La figure de Dracula a toujours posé problème avec le copyright, déjà dans le cinéma muet.
L’auteur a d’ailleurs déclaré qu’il serait ravi de refaire un Castlevania, mais que le succès de Bloodstained pourrait éventuellement conditionner le développement d’une nouvelle licence. On l’espère. En tous cas, les clins d’œil à l’ancienne série sont très nombreux.
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Là où Bloodstained : Ritual of the Night dépasse les Castlevania
Vous vous en doutiez sûrement, mais l’évolution graphique entre 1997 et 2019 est au cœur du débat. Bloodstained est un jeu en 3D utilisant le moteur Unreal, mais le jeu est foutu comme un bon vieux platformer 2D. Vous avez dit tradition vs modernité ? It’s the Japanese spirit dude !
Niveau graphismes, là où un Symphony of the Night balbutiait dans le mélange 2D-3D (tout en se défendant honorablement), Bloodstained éclate tout : effets de rotation autour des bâtiments, mouvements de caméra, zooms à haut niveau de détail, effets d’ombres et de lumière, et customisation en temps réel du personnage principal, qui est du coup hyper bien animé. De façon générale, les décors du jeu sont magnifiques, c’est un vrai plaisir que d’évoluer dans cet environnement.
Le premier niveau se déroule dans un vieux galion en pleine tempête, ce qui permet de scénariser une petite phase de tutoriel bien utile. Ne vous en faites pas : le reste du jeu aura lieu dans l’habituel château-monde-fermé de Dracula, qui ici n’appartient pas à Dracula… c’est seulement un château maléfico-démoniaque dont il faudra se débarrasser. Il y a de quoi faire, c’est bien foutu, et la structure générale du château rappelle celle du château de Dracula d’antan : corridor d’entrée, tour de l’horloge centrale, bibliothèque, souterrains humides avec leur cascade souterraine, et escalier brisé (enfin plutôt brisable) menant au boss final. Plusieurs fins sont également disponibles et comme un bleu, j’ai fait la première fin arrivé à environ 50% d’exploration du château. Pour finir à la véritable fin, les férus de Symphony of the Night se seront bien doutés qu’il faudra faire quelque chose pendant le combat du dernier boss… mais chut ! No spoilers !
Les musiques du jeu sont également superbes et respectent tout à fait l’esprit des opus précédents. On est dans l’hommage assumé. D’ailleurs le jeu propose plein de clins d’oeil et d’easter eggs utiles ou inutiles, tout comme dans Symphony of the Night. A un moment, Mariam peut en effet s’asseoir face à un piano solitaire et se mettre à en jouer et, si elle est équipée du familier en forme de fée, celle-ci chantera avec elle. On retrouvera également un sosie d’Alucard en bibliothécaire, lançant un « what can I do for you » éveillant instantanément la nostalgie. C’est chouette, mais ce genre de petits détails viennent à manquer sur la durée. En tous cas l’ambiance gothique et mystérieuse chère à ce type de soft est parfaitement respectée, c’est déjà ça.
La grande nouveauté de Bloodstained est de proposer des flingues en guise d’armes, avec différents types de balles. Sur le moyen terme, ça pêche un peu car ces flingues ne sont pas très forts, et on revient vite aux épées ou aux fouets habituels. Mais quand même, quelle classe ! A voir, selon les powerups et les balles spéciales, ce qu’il est possible de faire sur le long terme sans trop s’emmerder la vie en navigant sans cesse entre les menus. L’avenir des testeurs geeks nous le dira. Ce n’est plus les années 1990, ils seront peut-être moins nombreux à vouloir torcher le jeu en long et en large. Celui-ci le mériterait pourtant.
Puisqu’on parle des powerups, le jeu est incroyablement riche de ces derniers. Des petites bibliothèques disséminées ici et là vont, en plus de vous donner quelques clés de compréhension facultatives de l’intrigue, vous enseigner des combinaisons de mouvements pour activer les pouvoirs spéciaux des différentes armes. Ce sont des combinaisons à la Street Fighter, et j’avoue m’être contenté du minimum dans l’apprentissage de ces dernières. Mais au delà de ça, Bloodstained emprunte surtout aux mécaniques des Castlevania sur Nintendo DS, notamment Aria of Sorrow. Ainsi, chaque monstre tué a une chance de vous refiler un pouvoir spécifique, que vous pouvez attribuer à une commande afin de l’utiliser pour votre compte, contre l’utilisation de quelques points de mana. Bloodstained propose 5 catégories de pouvoirs, sachant que 3 renvoient à des pouvoirs activables (par 3 boutons différents), à expérimenter au feeling au fur et à mesure, et que 2 renvoient à des pouvoirs permanents de type force augmentée ou double-saut. Les hard-core gamers peuvent collectionner les pouvoirs, à voir si celà débloque quelque chose à la fin, à l’instar d’Aria of Sorrow…?
Assez rapidement dans la partie, vous pourrez customiser votre personnage au niveau de son apparence, notamment la coupe de cheveux, la couleur de la peau, des yeux et des vêtements. L’héroïne principale, Miriam, est très bien modélisée, et son allure représente le bon équilibre entre gothique japonais (qui est parfois usant) et kawaï japonais (qui est souvent très usant). La femme vampire, qui est un des bosses du jeu, symbolise tout à fait ce qu’aurait pu être Miriam et ce à quoi nous avons eu la chance d’échapper.
Comme dans Symphony of the Night, une composante steampunk très plaisante et suffisamment discrète émaille l’univers de Bloodstained. On notera l’influence d’un Witcher avec la possibilité de faire forger des armes, de faire de l’alchimie, et même de la cuisine. Des quêtes secondaires sont également proposées par les habitants du village à côté du château. Allons-bon… mais est-ce que tout cela suffit pour faire un bon jeu ?
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Là où Bloodstained : Ritual of the Night merde un peu.
J’adore Miriam, l’héroïne du jeu, mais force est de constater que son chara-design est un peu en dessous de celui d’Alucard de Castlevania Symphony of the Night. Elle manque en effet de relief et son histoire personnelle n’émeut pas vraiment, en tous cas ne parvient pas à nous convaincre dans ce qu’elle est supposée lui apporter en terme de motivation pour en découdre. Elle est très entière, à la fois féminine et positive, mais ne souffre pas vraiment de ses contradictions. De même pour les personnages secondaires, qui sont parfois très fades et surtout très prévisibles et beaucoup de dialogues mettent en scène du blabla assez peu pertinent. Contrairement à un Castlevania, je trouve que Bloodstained manque un peu de maturité, de petits détails sombres, inquiétants, percutants ou mystérieux, ainsi que de ces pièces maculés de sang ou de ces bosses tout décomposés affreusement mémorables.
Ceci dit, plus globalement, le scénario et l’optimisation du jeu semblent avoir été un peu finis à la pisse. L’écran titre du jeu et la première cinématique laissent augurer un jeu hyper cheap. Heureusement il n’en est rien, mais on sent que le scénario – vraiment pas terrible – a été plaqué sur un système de jeu déjà pas mal avancé, et qui avait la primauté sur tout le reste (l’idée des développeurs étant de faire un metroidvania à tout prix). Bloodstained est ici très en dessous de Castlevania, qui commençait par une scène de boss final avec un autre personnage et proposait l’incroyable rebondissement du château inversé. Voir mon test à ce sujet.
Puisque j’en parle, je trouve que le jeu est décidément trop court : j’ai bouclé la partie en environ 11h de jeu ce qui m’a pris moins d’une semaine, à environ 93% d’exploration du château. 35 euros tout de même. Et je consdière que j’ai pris mon temps : je n’ai regardé aucune aide de jeu, j’ai fait deux salles secrètes sur les trois et j’ai rempli plusieurs quêtes secondaires. Concernant ces dernières, je les ai trouvées finalement peu stimulantes, toutes concentrées au même endroit, et ne rapportant au final que des objets à la con, qui n’ont plus d’utilité au moment où on les gagne.
Si le système metroidvania est toujours bien foutu (vous battez un boss et vous obtenez un pouvoir qui vous permettra de franchir un obstacle), j’aurais aimé que les pouvoirs-clés soient utiles à davantage d’endroits, car souvent, le pouvoir fait office de clé unique pour une serrure unique, ou presque, et on galère un peu à chercher où il faut aller. A la décharge des concepteurs, tout est parfaitement logique et propre, et j’imagine que c’est assez dur d’innover sur ce type de système de jeu.
Après, on ne peut pas tout pardonner : il faut savoir que ce jeu est en développement depuis 2015. Un portage WiiU était même prévu, c’est dire. Du coup, les graphismes que je trouve si beaux sont clairement en retrait de ce qui se fait en 2019, dixit les rageux du net. Et le jeu manque d’optimisation, il y a pas mal de glitches, de problèmes de collisions, de hitboxes, d’affichage de texte et même quelques fautes d’orthographe. Alors autant je suis content que le jeu soit sorti, car j’avais suivi son développement depuis un bail, autant je trouve qu’il manque un peu d’envergure et de finition. Le rapport qualité/durée de vie/prix/attente est un peu en dessous de ce que j’espérais.
Je suis également un peu attérré de voir que le jeu pousse à la consommation de manettes Xbox. Comme avec Sonic Mania l’an dernier, c’est le genre d’emmerde qui peut me filer un tel a priori sur le jeu que toute l’expérience de gameplay en sera affectée négativement. Ainsi, pour jouer à Bloodstained avec ma bonne vieille manette, j’ai du utiliser joytokey, un logiciel gratuit, qui émule les touches clavier, Mais ça n’a pas été sans problèmes, car pour le pad analogique (heureusement assez peu utile, mais quand même), il a fallu passer par la souris. Du coup, obligé de jouer proche de l’ordinateur, sur mon écran 15 pouces ridicule, alors que j’ai un vidéoprojecteur qui balance à 4m50 de diagonale. Fait chier.
Comme dans Zelda Breath of the Wild, j’ai trouvé la profusion de commandes un peu emmerdante, les menus un peu bordelliques et le jeu assez dur à prendre en main avec un pad standard. Sur mon ordi, malgré une bonne config, pas mal de ralentissements et de chutes de FPS, un peu rageant pour un platformer 2D, mais j’ai compris assez vite que c’était avant tout du à des problèmes de carte son. Or, Bloodstained : Ritual of the night est suffisamment fun et addictif pour que je persévère et me contente de ces quelques soucis périphériques. Je tenais malgré tout à les signaler.