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Après avoir récemment essuyé des échecs cuisants sur des jeux hypes et modernes de type Fortnite, et comme les jours pluvieux se succèdent, je me rabats volontiers sur la bonne vieille littérature 8-bits avec l’Amstrad CPC 6128, qui symbolise mes débuts dans le jeu vidéo. Niveau timing, on parle de la fin de l’école primaire. Comme vous pouvez le constater, je suis vraiment tombé dedans quand j’étais petit…!
Voici donc un petit TOP 12 exhaustif et très personnel de ce que je pense être les meilleurs jeux de la machine. Il s’agit en fait plutôt un TOP 30 déguisé car il m’a été impossible de trancher aussi net dans l’impressionnante ludothèque de l’époque. Si vous n’y trouvez pas votre jeu favori, ne m’en voulez pas (trop) : même si on se prêtait beaucoup les jeux dans la cour de l’école, je n’ai pas tout essayé, y compris certains titres cultes du CPC comme Gauntlet.
J’ai passé plus de temps avec certains jeux qu’avec d’autres qui étaient pourtant très bons, pour des raisons qui parfois m’échappent. De même, lorsque j’ai testé des portages de meilleure qualité (par exemple avec Barbarian, Ghostbusters 2 ou Capitaine Blood, qui sont bien meilleurs sur Atari ST), ils ont presque chaque fois cessé de faire partie de l’univers du CPC 6128 à mes yeux, devenant partie intégrante de l’imaginaire lié au support concurrent (pour lequel il nous faudrait alors faire un autre Top 12). Enfin, pour les jeux retenus, il fallait trouver le juste équilibre entre rendu esthétique, narration et accessibilité.
Parlons accessibilité, justement. Autant je fustige Fortnite, autant certains jeux de l’époque étaient horriblement durs, même s’ils étaient originaux, ce qui les a parfois déclassés – mais pas toujours. Par narration, je sous-entends aussi l’originalité, le côté précurseur ou même OVNI du jeu, qui laisse une marque durable dans le souvenir. Enfin, le rendu esthétique correspond à un savant mélange entre graphismes (bien pauvres à l’époque), musique (tout autant) et surtout fluidité. De nombreux développeurs faisaient de gros efforts sur ce dernier point, avec une prise en main aux petits oignons.
12e place : ASPHALT (Ubi Soft, 1987)
Nombreux étaient les jeux de bagnoles et de simulation à l’époque de l’Amstrad. Dans Asphalt, jeu français d’Ubi Soft, vous dirigez un camion blindé vu de dessus, qui avance sur une ligne droite, que vous pouvez uniquement déplacer latéralement tout en gérant 3 armes (mitraillette, mines, lances flammes) pour repousser les nombreuses voitures et motos qui vous attaquent de toutes parts. Vidéo ici. Le camion subit des dégâts localisés, et finit par griller lorsqu’une zone est trop touchée. Un gameplay simple et efficace, même si le jeu devient impossible au bout d’un moment, étant donné que certaines parties du camion subissent un véritable harcèlement routier et qu’il n’y a que 3 mines en stock ! Dans ce top 12, Asphalt passe devant des titres comme Desert Fox (pourtant mon premier jeu ever) et d’autres très bons jeux adaptés de l’arcade avec véhicules à diriger comme Afterburner ou Space Harrier.
11e place : ARKANOID II : REVENGE OF DOH (Taito, 1987)
La suite du casse-briques le plus célèbre au monde : vidéo ici. De nouveaux power-ups et types de briques sont disponibles dans cette version. Le jeu reste assez ardu et il faut s’armer de patience pour pouvoir le finir. Dans ce top 12, de par sa notoriété et de par sa durée de vie, il élimine tous les petits jeux d’arcade bien sympathiques du genre de Bomb Jack, Fruity Frank, Boulder Dash ou même l’énorme Rampage, dans lequel il était possible de jouer à trois en simultané…! J’aimais beaucoup ces petits jeux vite chargés et vite joués. Mais Arkanoid a le dessus ne serait-ce que par son titre déjà fort de café.
10e place : CAULDRON II (Palace Software, 1986)
Le premier Cauldron, vous mettait dans la peau d’une sorcière : il était plutôt fun mais devenait injouable lors des phases de plateformes dans les donjons. La suite, Cauldron II, vous met dans la peau d’une citrouille rebondissante qui prend sa revanche sur ladite sorcière. Le jeu est un platformer assez unique en son genre en ce qui concerne la maniabilité, et surtout avec une ambiance bien à lui, mais certains passages demandaient une sacrée dose de dextérité. Regardez cette vidéo pour vous en convaincre. De par son côté étrange et décalé, Cauldron II l’emporte sur un autre grand jeu d’exploration sur le thème de la fantasy, à savoir Sorcery+ et sur son pendant S.F., Equinox. Tous deux sont de très bons jeux.
9e place : EXOLON (Hewson Consultants, 1987)
Voilà un jeu peut-être un peu moins connu, crée par une entreprise britannique. Vous y incarnez un personnage armé d’un laser et de grenades et devez avancer pour tout maraver sur une planète extraterrestre. Il y a des bonus de boucliers et d’armes, c’est tout simple, mais ça fait à l’époque grandir les attentes vis-à-vis de ce type de jeu, qui deviendra de plus en plus sophistiqué. De par son accessibilité (le jeu n’est pas très dur) et par con côté S.F., Exolon exclut du classement quelques hits au gameplay similaire tels que Ghost n’ Goblins (très difficile), Rygar (très répétitif) ou même l’étrange Bivouac, qui a d’ailleurs été chroniqué cet hiver par les amis d’Another Retro World.
8e place : Le 5e Axe (Loriciels, 1985)
Ce jeu plonge sans complexe dans la métaphysique, avec une conception de l’espace-temps complètement décalée. Le 5e Axe représente en effet l’axe de probabilité selon lequel il n’existe pas une seule réalité mais une infinité… Le jeu, assez minimaliste (voir vidéo) vous fait contrôler un petit personnage dont on peut définir les caractéristiques de force, d’endurance et d’agilité en tout début de partie. La maniabilité est top, et le jeu est très rapide. Vous évoluez dans un univers interlope avec des étages, des objets à ramasser, des sortes de clés et des créatures à battre. Au bout d’un certain nombre de points, vous êtes envoyé dans une époque du passé pour une petite course de survie en mode arcade, chacune de ces courses vous rapportant une pièce de machine à voyager dans le temps à reconstituer pour gagner. Le côté nerveux (qui en devient comique) du 5e Axe le place avant L’Armure Sacrée d’Antiriad, Jet Set Willy 2, et Pacific, trois grosses pointures des jeux d’aventure-exploration de l’époque, tout autant métaphysiques et décalés.
7e place : Bruce Lee (U.S. Gold, 1984)
Voilà un vrai platformer 8-bits sur le thème des arts martiaux, mettant en scène le célèbre Bruce Lee, dont le but est de ramasser des sortes de lanternes et de débloquer des passages. Il se dégage de ce jeu très moche – et très limité techniquement – une atmosphère étrange, que l’on retrouvait dans d’autres jeux pas toujours bien fichus tels que Zorro ou Les Goonies. Mais pour Bruce Lee, on a une maniabilité excellente, un jeu rapide et fluide, avec une durée de vie convenable (vidéo ici) : j’ai fini ce jeu à la régulière à l’époque, et j’en garde un très bon souvenir. Dans le thème des arts martiaux, Bruce Lee a éliminé de ce Top 12 l’excellent Yie Ar Kung-Fu, un Beat-Them All d’étonnante facture (mais à la durée de vie riquiqui), qui est l’ancêtre à ma connaissance le plus réussi de Street Fighter 2, version Tigre et Dragon ou même Dragon Ball de la toute première heure. Matez la vidéo, elle vaut le coup, ne serait-ce que pour la musique et ces arrêts sur image d’une seconde (hyper esthétiques !) dès qu’un coup est porté à l’adversaire.
6e place : Ikari Warriors (SNK, 1988)
Alors là, on rentre dans du lourd, dans du jeu orienté grand public et directement adapté d’un run and gun de l’arcade. Ikari Warriors est en effet un jeu de très bonne facture, fluide et à la maniabilité efficace, et auquel on peut encore bien s’amuser aujourd’hui. On retrouve en germe ce qui fera plus tard le succès de Metal Slug : possibilité d’emprunter des véhicules, soldats ennemis à gogo, complexes militaires dans la jungle, power-ups, mais aussi la possibilité de jouer à deux en simultané…! Le jeu est vu de dessus et vous dirigez une sorte de Rambo qui canarde tout, avec un fusil et des grenades. Je ne me souviens pas être allé jusqu’au bout une seule fois car l’ultime base ennemie était horriblement bien gardée, mais cette vidéo longplay atteste que c’est théoriquement possible en moins de 20 minutes. Ce petit bijou évacue sans conteste le célèbre Commando, sorti en 1985, et donc beaucoup moins abouti.
5e place : Head Over Heels (Ocean, 1987)
Voici un jeu d’aventure-puzzles en 3D isométrique comme il en existait pas mal à l’époque. Celui-ci me semble cependant inégalé. Il en existe d’ailleurs un remake PC d’excellente qualité datant du début des années 2000, et le jeu a même été étudié par un chercheur Belge. En tous cas, il m’est arrivé d’y passer des heures et des heures…! Head over Heels est un jeu atypique, qui met en scène deux créatures bizarres et complémentaires : l’un saute haut et loin et peut tirer, l’autre court vite et peut ramasser des objets. Ils sont capables de fusionner leurs pouvoirs en se mettant l’un sur l’autre mais le jeu les oblige dès le départ à commencer séparés, et tout n’est que succession de séparation et de retrouvailles. Le jeu est long et prenant, comme l’atteste cette vidéo. Il élimine du top 12 le cultissime Batman, également en 3D isométrique, mais qui, étant seul à galérer dans sa batcave, est davantage axé sur la quête d’objets et de fait beaucoup moins riche.
4e place : Prohibition (Infogrammes, 1987)
Voici un jeu qui, malgré ses 8-bits – et un degré d’identification forcément limité – peut encore filer sa petite dose d’adrénaline. Pourquoi ? Parce que c’est un jeu de tir en vue subjective, pardi ! Jugez-en les vidéos ou testez-le vous-même.* Dans Prohibition, vous endossez le rôle d’un détective dans un quartier mal famé pendant la prohibition : l’esthétique est très singulière, avec volontairement très peu de couleurs utilisées. Vous devez repérer – puis dégommer – les tireurs embusqués : des flèches latérales vous aident à localiser le bon immeuble et un compteur indique le nombre de secondes qu’ils vous reste avant de vous faire dégommer vous-même. Une touche permet de vous cacher, mais seulement pendant une durée limitée. En fin de niveau, vous entrez dans un building pour descendre le patron : séquence forte où vous n’avez que 2 secondes pour l’abattre ainsi que ses deux gardes du corps. Prohibition, par son sens du suspense, sa prise en main et son esthétique très particulière, élimine de ce Top 12 le célèbre blockbuster Operation Wolf, qui s’apparente à du rail-shooter à un contre dix-mille, et qui, même s’il était bien produit et riche, était impossible de terminer à la régulière.
*Il existe 2 versions du jeu : l’une de 64ko et l’autre de 128 ko. Si les vidéos de Youtube montrent toutes celle à 64 ko, limitée, il faut absolument se procurer la version de 128ko.
3e place : SABOTEUR 2 (Durell Software, 1987)
Décidément, 1987 est un bon cru pour le CPC 6128. Aujourd’hui, Saboteur 2 a malheureusement mal vieilli, notamment à cause d’une animation saccadée : jugez sur pièce. Mais ce jeu avait à l’époque un charme fou. C’est d’ailleurs un des premiers jeux à mettre en scène une héroïne, une fille ninja, bien avant Lara Croft ou Sakura Haruno. L’action se déroule dans une base de recherche militaire immense, avec des tonnes et des tonnes de salles à explorer : de l’open world avant l’heure ? Le but du jeu est de retrouver des morceaux de bande perforée éparpillés partout dans ce bordel et de mettre tout ça dans l’ordinateur à côté de la salle de lancement d’un missile nucléaire, avant la fin du temps imparti. Certains ont réussi à le faire et c’est très long…! Dans ce top 12, Saboteur 2 a simplement exclu son prédécesseur, Saboteur 1, un jeu au style très proche, bien que plus court et certainement plus accessible – peut-être même plus abouti ! – mais moins connu, moins pharaonique, et donc et avec une aura moins grande que son successeur.
Remarque : je n’a jamais oublié le mot de passe de ce jeu pour la mission 2 : jonin.
2e place : GRYZOR (Ocean Software, 1987)
Gryzor est l’adaptation très réussie du célèbre Contra, qui a été porté sur à peu près toutes les machines de l’époque. Nous voici en présence d’un jeu d’action très maniable, vous mettant dans la peau d’une sorte de Rambo qui avance et défonce tout avec son fusil, tout en ramassant des power-ups. C’est vraiment les années 80 dans toute leur splendeur, les références aux films de l’époque sont nombreux et concentrées dans ce petit bijou. Le jeu alterne des phases de type platformer, en vue de côté, et des phases en vue à la troisième personne, pour l’infiltration des bases et leurs boss. Il y a également un niveau ascensionnel au milieu du jeu. Bref, le gameplay est varié et vraiment bien foutu. Le jeu reste néanmoins assez difficile, tout particulièrement sur la fin. Au début du jeu, il faut choper le laser, ne surtout pas le perdre, et ne jamais laisser passer les boucliers d’invincibilité – toute autre stratégie est vouée à l’échec. La fin du jeu est juste WTF, mais je n’en dis pas plus : allez voir la vidéo si le cœur (extraterrestre) vous en dit. Le jeu se boucle idéalement en quelques minutes. En ce qui me concerne, je n’ai réussi à le finir qu’une fois ! Dans ce Top 12, Gryzor surpasse aisément le célèbre Trantor, ainsi qu’un autre grand classique parodiant le cinéma des années 80, à savoir Rick Dangerous, l’Indiana Jones du CPC, que j’aimais beaucoup, mais qui était un peu trop vicelard question pièges.
1e place : TARGET RENEGADE (Imagine Software, 1988)
Difficile d’imaginer que nous sommes à peine trois ans avant Streets of Rage sur Megadrive, pourtant Target Renegade est un beat them up de très bonne facture, bien meilleur à mes yeux qu’un Double Dragon. On peut y jouer à deux, il y a des armes à ramasser (chaque niveau à son arme dédiée, du marteau à la canne de billard) et les techniques sont plutôt variées, alors qu’un seul bouton d’action est disponible. Vidéo ici. Une des grandes particularités du jeu – qu’il faudra attendre des années avant de retrouver dans un jeu de baston – est la possibilité d’achever un ennemi lorsqu’il est au sol. Violent, certes, mais efficace et surtout réaliste. Gamins, nous appelions cette technique “la technique de Kaïo”. Bref, tout est bien foutu dans ce titre, y compris la musique, très particulière, pour laquelle il existe des remixes. J’ai dédié au jeu ce montage audio, qu’Octo a mis sur Soundcloud et que vous pourrez retrouver ici – si vous connaissiez Target Renegade, vous allez adorer :
Target Renegade élimine ici son prédécesseur, Renegade, qui était plutôt bon, ainsi que son successeur, Renegade III, vraiment pourri. Ces jeux semblent avoir directement inspiré le récent court-métrage Kung Fury… Avis aux amateurs !