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(Article garanti sans spoilers) « C’était pas ça, en fait c’est ça, mais en fait c’est pas ça ». Voilà ce qu’on peut, en substance, retirer du pitch du film tel qu’il est présenté par la presse en ce moment, qui s’efforce d’en révéler le moins possible. J’en révèlerai encore moins ici. Mais je ne pouvais pas passer à côté de l’événement.
Je suis comme d’habitude allé voir le dernier Star Wars en famille en day one comme ils disent. Autant le dire tout de suite : ça m’a plu. Je suis bon public, mais même, c’était du grand cinéma (en 3D et tout, même si je suis pas un adorateur de ces lunettes qui donnent un look dégueulasse en sortant de la salle). Le réalisateur Rian Johnson a fait rentrer Star Wars dans des cases, certes, mais la grille de lecture me convient tout à fait. Reste à savoir ce qu’il en restera dans dix ans, ce qui est moins évident.
Alors, métaphysique, le dernier Star Wars ? A la question « Qu’est-ce que la vie ? », d’aucuns pourraient répondre : « c’est ce truc qui sert de bande annonce en attendant Star Wars« . Oui, c’est vrai, j’avais la banane lors de l’écran habituel au tout début avec le texte qui défile. J’avais cette impression, comme je l’ai raconté pour Episode III, d’assister à un moment historique. Et aux fous qui disent « moi j’attends que la hype retombe pour y aller », je rétorquerai que j’étais précisément le plus heureux du monde de me retrouver dans une salle bondée, dans cette ville de province minuscule, d’habitude déserte. Il n’y a que Star Wars pour générer un truc pareil, pour rendre à nouveau le cinéma populaire. Bon : mon fils de 8 piges a eu du mal à tenir jusqu’à 23h, et il avait le rhume… mais rien de bien grave je vous rassure. Dans le reste de la salle, pas beaucoup d’enfants… enfin si : des enfants dans des corps d’adultes. Dommage… Mais blague à part, question spiritualité, deux grands moments vous attendront dans ce film, et je leur ai trouvé encore davantage de saveur a posteriori, le lendemain. En particulier, la tirade sur l’échec, sublime. Je n’en dis pas davantage.
Alors j’ai été certes moins ému et transporté que pour Episode VII : Le Réveil de la Force, qui nous sortait de près de dix ans d’attente depuis la terrible fin de l’Episode III, où Anakin se transformait en Dark Vador, pour l’éternité – du moins nous semblait-il – mais j’ai davantage apprécié la qualité de ce huitième opus, cette fois beaucoup plus recherché. Et force est de constater qu’il y avait davantage de monde dans la salle que pour Episode VII et même Rogue One. Ce dernier, globalement très apprécié, aura quand-même fait du bien à la franchise, tout en ouvrant la porte à son dévoiement par le biais de spin-offs, qui ne laissent plus aucune place à l’imagination sur le passé des personnages clés. Et c’est un peu le problème de cet Episode VIII, justement, qui fixe le destin de nos héros d’enfance, que nous pouvions encore rêver. A débattre. La référence évidente au miroir du Rised d’Harry Potter a achevé de me convaincre. Star Wars Episode VIII est un nouvel appel à mettre fin à la magie de l’enfance.
Alors qu’est-ce que le phénomène Star Wars à l’heure des fake news, des spoiler alerts, des tweets et du big fan theory ? Que d’accumulation réactionnaire de néologismes anglo-saxons me direz-vous. Ce serait mal me connaître. Mais le réseau social, avec lequel les cinéastes sont désormais obligés de composer jusqu’à l’absurde, n’est plus rien d’autre qu’une usine à « ah vous voyez je vous l’avais bien dit » ou à « ah mon bon monsieur quelle déception je ne le voyais pas comme ça ». La pensée binaire, en somme, avec un petit peu de nuance, pour faire genre. L’ère du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson (que je n’ai pas aimé !) semble bien loin. Les fans de Tolkien de la première heure s’étaient tapés plus de mille pages de roman avant de pouvoir deviser et y aller de leurs analyses et prédictions sur les films en cours et à venir. Fini ce temps-là, c’est clair et niet !
Un Empire Contre-Attaque bis ? Oui. Sans conteste. Ce serait de la malhonnêteté intellectuelle d’affirmer le contraire. D’ailleurs le film en joue volontairement, et le réalisateur se savait attendu au tournant. Pari gagné ? A voir… Le temps le dira. Sans être aussi sombre, c’est dense. Très dense. Et ça j’aime bien. La fin d’Episode VIII est loin du fameux climax Luke versus Vador et son « Je suis ton père » transgénérationnel, et de la main tranchée/héros humilié, mais laisse quelque chose de similaire, une drôle d’impression. Bizarrement, cet Episode VIII boucle une boucle, termine un rêve, un peu comme la fin du Retour du Jedi. On se demande si on n’est pas un vieux mégot qui ferait mieux d’assumer d’être adulte. Il y a quelque chose qui fait mal.
Difficile, en tous cas, d’imaginer ce que sera Episode IX. C’est peut-être la force de ce film. Il ouvre sur quelque chose de potentiellement nouveau, même si c’est en train de devenir un peu con, avec tous ces chiffres romains qui défilent. Bon : on se doute bien de quelques passages obligés dans le prochain opus… un duel de sabres-laser revanchard semble encore inévitable. Maintenant, les réalisateurs commencent déjà à voir au delà, et les pires détracteurs de l’empire Disney ne s’y seront pas trompés : la machine à fric tourne à fond. Pour en revenir au film proprement dit, il est plaisant de constater une sorte de démontage volontaire par Rian Johnson de certaines erreurs d’appréciations de J.J. Abrhams dans l’Episode VII. C’est comme si un réalisateur avait tourné Episode II : l’Attaque des Clones et avait fait massacrer Jar Jar Binks dès les premières minutes.
Je n’ai qu’un seul regret, peut-être, à l’instar de Mark Hamill, qui regrettait il y a quelques mois la façon dont évolue son personnage dans le film. Si vous avez vu la bande annonce, rien de spolié ici : Luke ne nous montre que trop souvent ce côté vieux sanglier sauvage retiré sur son île, et hébété ad vitam par son échec avec Kylo Ren. Un peu caricatural, certes. Mais par bonheur on voit encore poindre par moment ce regard malicieux qu’il avait étant plus jeune. Et ça, ça fait du bien, quelque part.