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[à voir] Ghostbusters 3 – Chasseuses de déprime

Temps de lecture : 5 minutes

Ces temps-ci, impossible de jouer à des jeux vidéo, donc je me rabats sur le cinoche et les DVD. Ghostbusters, c’est la franchise typique du papagamer trentenaire, au même titre que Star Wars ou Indiana Jones, Robocop et Terminator. Avec ce nouvel opus, je m’étais dit : « ils vont encore se faire du blé sur notre dos et ça va être nul. »
Ah, le spleen des trentenaires. On se fait toujours avoir avec le « c’était mieux avant ». Dixit cette vidéo sur 7 jeux mythiques mais surcotés par force de nostalgie (attention : enfance détruite) :

Le simple fait d’aller voir Ghostbusters 3 (qui est en fait un reboot complet de Ghostbusters) en tant que trentenaire, c’est quelque part s’exposer à briser une icône importante de son enfance. Déjà, à voir l’affiche, ça sent l’innovation à tout prix sur fond de grosse franchise, avec une touche de girl power en prime, ce qui n’est pas pour déplaire.


Le fait que les filles ne soient pas des canons – et tendent même vers un style un peu vulgos – risque en revanche de rebuter l’ado de base, habitué à des rôles féminins de type Angelina Jolie dans Tomb Raider, pas spécialement reconnu pour son audace scénaristique. Je n’ai pas lu la critique, mais ce ne serait pas étonnant que Ghostbusters 3 ait fait un bide commercial. Même moi je me suis laissé piéger, au début.

Pourtant, à bien y regarder, on trouve parmi le quatuor de chasseuses des fantômes l’immense Melissa McCarthy, actrice américaine comique de premier plan, extrêmement connue aux Etats-Unis et qui commence à percer chez-nous. Aussi, il faut voir Ghostbusters 3 non pas comme un film de la série Ghostbusters, mais comme un film de la série McCarthy, dans la digne lignée de sa filmographie.


Ghostbusters 3 se situe ainsi au carrefour de deux cultures cinématographiques. D’un côté, on a le film comique d’acteur, dans la veine d’un Sacha Baron Cohen (dont je conseille l’énorme Grimsby, mais pas en famille), mais avec un côté très américain, affirmé et revendiqué. D’un autre côté, on a le reboot de franchise ultra commerciale auquel la décennie a fini par nous habituer, avec l’éternel débat sur un système à bout de souffle et de créativité. Pourtant, je trouve la synthèse de ces deux courants réussie et je le redis : pour moi Ghostbusters 3 est davantage un film de Melissa McCarthy avant d’être un blockbuster qui vise à détrousser le trentenaire nostalgique.
La situation serait presque comparable à celle d’un spectateur américain fan de James Bond (et autres Jason Bourne) et qui se retrouverait face à un OSS 117 en pensant retrouver ses marques. Ce n’est pas un film d’espionnage à la française, c’est avant tout un film de Jean Dujardin, avec tout ce que ça implique… Donc faudrait pas s’attendre à ce que le gars crie au chef d’œuvre… !


Aussi, pour profiter pleinement de Ghostbusters 3 et de le replacer dans son juste contexte, je vous conseille d’avoir vu au préalable deux films où McCarthy joue dans le rôle principal : Tammy, vraiment bon, et plus récemment, The Boss. Ce sont des films décalés, assez vulgaires, surtout irrévérencieux, mais qui montrent une facette des Etats-Unis et des femmes qu’on n’a pas l’habitude de voir au cinéma. Question modernité, on ne peut pas faire mieux et je pense sincèrement qu’on peut lutter contre le sexisme par ce genre de film populaire chasse-spleen, plutôt que par des films féministes et/ou d’auteurs chiants ou par des réformes de l’orthographe que s’évertuent à nous seriner certai.n.e.s rédacteur.trice.s : déjà que les jeunes confondent les participes passé et les infinitifs, là on à carrément l’impression qu’il faudrait écrire en braille.


Bon, il y a quand même quelques points négatifs – mais ce ne sera pas ce à quoi vous vous attendez car le scénar vaut ce qu’il vaut, point. Bref. Ce que je vais dire, c’est qu’on y perd beaucoup quand on voit tous ces films en VF, car à l’instar d’un Woody Allen, l’humour est souvent basé sur les dialogues, les joutes verbales et les situations de comédie. Cependant, le boulot des traducteurs et des doubleurs français reste de bonne qualité. En ce qui concerne la France, je crains que ce genre de film reste cantonné à un public très restreint, voire bobo. Rien à voir avec un The Nice Guys, pur film d’action au doublage croustillant, qui passe même en français, et sans sous-culture préalable (encore que). Tant que j’y pense, merci à TomTom de m’avoir aiguillé sur cette perle !


Pour en revenir à Ghostbusters 3, le film nous propose évidemment plusieurs clins d’oeil à la série originale – « il ne faut jamais croiser les canons ! » – et qui pourtant arrive à déjouer nos attentes. J’ai trouvé l’utilisation du slime, comme métaphore à peine déguisée du sperme, qui éclabousse toujours la fille un peu coincée du groupe, hilarante. Le fantôme vert bouffetout s’est désormais trouvé une copine : il symbolise ce geek grassouillet des années 80 qui a fini par fonder une famille (de dégénérés) !


Mais je crois que ce qui m’a le plus touché, entre autres cameos, c’est la présence, même brève, des acteurs des anciens Ghostusters, à l’exception d’Harold Ramis, coproducteur du film. C’est celui qui jouait Egon Spengler, le scientifique de la bande : décédé pendant l’élaboration du film, ce dernier lui a été dédié.  Du reste, on peut voir la mort rocambolesque de Bill Murray dans le film – à l’instar de celle d’Harrisson Ford dans le dernier Star Wars – comme le signe d’une rupture dans le passage de relais, la mort, sinon le massacre d’une époque par un girl power revanchard. Je comprends que certains n’auront pas aimé.


Mais il y a un acteur que j’ai failli oublier, et que l’on retrouve dans les trois Ghostbusters, ce qui fait que j’ai insisté tout au long de cet article avec le titre de Ghostbusters 3, pour marquer leur continuité. Cet acteur, c’est évidemment la ville de New York. Les trois films la mettent à l’honneur : c’est elle qui a le rôle de premier plan. Depuis les années 80, les attentats du 11 septembre sont passés par là et ont violé l’image de cette ville. Si l’on arrive à mettre son antiaméricanisme franchouillard de côté, je trouve que ça fait du bien de retrouver ce côté cosmopolite et populaire de la première ville du monde qui, à l’instar de Paris, a du profondément s’embourgeoiser depuis vingt ans.


Le plus bel hommage à New York restera pour moi celui de Ghostbusters 2, qui l’avait carrément personnifiée par l’épisode de la statue de la Liberté en marche, le seul moyen trouvé par les chasseurs de fantômes pour redonner espoir aux gens, dévorés par la haine – un pur moment de gamer d’ailleurs (placement de produit @ 1:03):

Contrairement à ses prédécesseurs, il y a peu de chances que Ghostbusters 3 soit un jour adapté en jeu vidéo. Je suppose que vous avez certainement testé l’un de ces derniers, on ne va pas en faire l’article… ! Mais bref, c’est clairement le signe d’un changement, que je vous laisse méditer.

2 commentaires
  1. octopaddaone
    5 Nov. 2016 à 17:15 -----> lui répondre

    Excellent prose comme toujours (le clin d’oeil sur les ayatollah de la féminisation à outrance de notre orthographe m’aura bien fait marrer !). Je suis tout à fait d’accord avec ton argumentation, franchement le film est bon et permet de passer vraiment un bon moment. Je pense comme beaucoup qui ont grandis avec les 2 premiers épisodes (et comme l’ensemble des films que tu cites en exergue, comment ne pas s’y retrouver !), ce reboot fut craint en tant que film « prostituant » l’esprit des précédents, ce qu’il ne fait absolument pas. Oui le choix des actrices (putain mais des filles normales quoi), les caméos de fou (ha la mort de Bill Muray : comme j’ai éclaté de rire) sont à la fois hommage et tentatives d’émancipation de la série d’origine (tout en restant une suite canonique en tant qu’épisode 3). Ha si un Georges Lucas en avait pris de la graine sur sa catastrophique préquelle ! A ce titre, j’avais abordé ce film dans l’octopodcast#2, et c’est marrant comme on se retrouve sur les mêmes arguments ! Putain de vieux cons.

  2. lamyfritz
    5 Nov. 2016 à 19:14 -----> lui répondre

    Ben non, les vieux cons tu les retrouves sur le plupart des critiques mainstream, qui ont dégueulé sur le film. Cet aprèm je me suis intéressé à ce qui s’est dit autour du film, hé bien j’ai halluciné ! Aux USA, ça a pris une tournure politique, élections obligent (les anti Ghostbusters 3 seraient pro Trump, et les partisans de ce dernier se seraient réjouis du flop du film) : d’ailleurs à la fin du film on voit un mec gueuler « votez pour Trump » en arrière plan, c’est évidemment de la satire, mais je voulais en avoir le coeur net et je suis tombé sur de drôles de trucs. Dans le genre la mise en lumière de diatribes misogynes, homophobes et racistes sur Twitter, un réseau social sont vous avez peut être entendu parler (arf).

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