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Ah Wargames…. je ne sais pas si c’est la future sortie de Fallout 4 – dans lequel l’apocalypse nucléaire était devenue une réalité – mais je me suis replongé hier dans ce film toujours aussi haletant 32 ans après sa sortie. Petit retour nostalgique sur un film geek, historique, et tellement 80′ ;).
Petit synopsis rapidos, pour le prix d’un WOP(E)R(S)
Un jeune lycéen hacker et geek dans l’âme, David Lightman (joué par Matthew Broderick) passe son temps à bidouiller son micro-ordinateur IMSAI 8080 monochrome, baignant dans d’éternelles lignes de code. Truquant ses résultats scolaires via l’antique réseau téléphonique (SCONET que connaît bien le monde enseignant actuellement doit en trembler) accède par hasard (et avec forces bidouilles) sur le réseau d’attaque nucléaire du Nord-Américain (le North American Aerospace Defense Command, ou commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, bref la la force de frappe nucléaire ‘ricaine). Se croyant sur un jeu vidéo, tout en voulant épater la bonasse du lycée qui l’accompagne – pov’ folle dans sa chambre (ha le fantasme éternel du geek des années 80), le jeune David Lightman se lance dans une partie de jeu stratégique à base de missiles thermonucléaires avec l’intelligence artificielle gérant lesdites armes, portant en clin d’œil le nom du célèbre sandwich de Burger King, WOPER. Le prenant pour son créateur, l’ordinateur se lance alors dans un affrontement minuté et simule une offensive contre les États-Unis qui est prise au sérieux par le NORAD croyant à une vraie attaque des russkofs, mais aussi par ces derniers qui à leur tour se préparent à la troisième guerre… nucléaire.
32 ans après, quand est-il de ce film ?
Mis à part qu’il a vieilli depuis 1983 par son esthétique liée à son époque (pantalons velours, ordinateurs et leurs aspects désuets sont à mourir de rire, tout comme les sonneries de téléphone proches ancêtres de nos bons vieux modems 56k de la fin des années 90), le film plonge le spectateur dans les affres de la guerre froide et la logique de la Terreur prévalant dans ces années 80. Dans ce temps d’incertitude , l’Amérique à la sauce Reagan dénonçait l’Empire du mal à l’ombre de Moscou et les deux blocs se préparaient à l’inévitable. Personnellement, de cette époque je garde encore le souvenir d’un monde où le feu nucléaire avec mes yeux d’enfants représentait à la fois une arme terrible et si fascinante… Qui n’a pas joué aux soldats en plastique inspirés de la 2e guerre mondiale et vivant des histoires où les missiles apocalyptiques grimés par des rouleaux de papier WC (ou des stylos en cas de pénurie) détruisaient des villes entières de Lego ?
Plus sérieusement, ayant suivi la chute du Mur puis de l’URSS en 1991 à la télévision, ces deux évènements m’ont laissé le souvenir de faits majeurs, certes vu avec des yeux d’enfants de 10-13 ans. Ainsi la production télévisuelle (et cinématographique) fut profondément marquée par cette période d’affrontement, et ce film pour moi ne put que me plaire par son aspect narratif (le jeune héros face au monde des adultes), liant la grande Histoire à l’informatique naissant.
Ce film, comme bon œuvre cinématographique a donc plusieurs grilles de lecture : si ce film marqua notre génération de trentenaire, je pense que cela relève de plusieurs causes. Tout d’abord, la présentation d’un héros débrouillard et geek. Cette vision positive du principal protagoniste du film prend cependant garde de rompre avec le stéréotype du geek courant à cette époque comme celui de ces deux amis vus au début du film : rondouillard, cheveux gras, à lunette et asociaux. Le réalisateur l’a bien compris : il faut avoir un héros vendable, surtout dans ces années 80 !

Stéréotypes, vous avez dit stéréotypes ?
En outre, le film se doit également d’émouvoir le fan d’informatique, passionné de science-fiction qui vivait relégué dans son garage et son cadre infantilisant aux yeux des adultes, mais aussi par d’autres groupes sociaux le rejetant (que cela soit les caïds du collège ou les dindes platines). Le film réussit donc sur ces deux tableaux, facilitant son acceptation par un public plus large.
Tu coderas, jeune padawan
L’autre niveau de lecture concerne enfin son approche de l’informatique, science et religion en plein essor dans ces années 80. Après avoir démarré durant les années 50 et connu une forte progression depuis, l’informatique touche désormais un plus grand public durant les années 80. Qui n’a pas vécu le plan informatique et ses suites de Sieur Fabius premier sinistre à l’époque, ne peut comprendre cet engouement qui a saisi l’Éducation nationale durant ces années 80/90 avec force de MO5 de Thomson ou encore de stylo tactile (quelle fumisterie ce stylo qui fonctionnait une fois sur 5!). D’ailleurs coup de chapeau à mes profs de maths et de techno qui nous permettaient en fin d’année de faire des jeux vidéo sur ces braves M05, et personnellement n’ayant pas eu des parents riches comme Bernard Tapie, ce fut pour moi l’une des premières occasions de jouer sur PC : ha ces parties à plusieurs sur Choplifter … .
Cette « mode » de l’attrait de la nouveauté informatique, qui m’a ouvert des portes sur d’autres univers et pour cela merci, et de nos jours plus problématique je trouve. En effet, si ce plan ambitieux fut de mettre l’informatique à l’école – et il y avait un besoin urgent, de nos jours ses suites sont moins ambitieuses je trouve, et inversent bien des priorités : qui a dit le prochain plan « tablette » (tactile) pour classe de 5e… pour bon nombre d’élèves qui ne maîtrise pas encore l’écrit ? Attention, mon propos n’est pas, mais vraiment pas du tout de sous-entendre comme hier en 1985 que l’un des buts fut de refourguer à l’école du matériel vendu par une entreprise française (et des copains) proche de l’État, mais d’y voir plutôt une forme de… philanthropie dans une époque déjà très sensible à l’ère numérique en progression, n’est-ce pas ? Jamais d’ironie sur octopaddle.fr, vous le savez bien 😉
Mais revenons au film, sujet principal de notre article. Ce dernier est aussi brillant par son aspect annonciateur de changement de paradigme dans la reconnaissance, la démocratisation d’un produit et de son univers, à savoir le PC. Si plusieurs facteurs suivent cette évolution (comme la hausse de la production, sa standardisation et la chute des prix), ces derniers contribuent à son essor pour devenir à partir des années 2000, un produit de consommation courante en Occident. Enfin, mis à part son aspect professionnel, l’informatique dans le film est vu aussi par son prisme ludique utile, cruelle ironie que les scientifiques du film ont sous-estimée dans la création de leur ordinateur surpuissant, ou volontairement le font dans un rejet infantilisant. Et, ces derniers par cet oubli se retrouvent mis en danger face à une machine qui n’étant pas douée de conscience pense « jouer » sans jauger de ses actes.
Vous l’avez donc compris, Wargames est un film familial pour nostalgique de ces années d’émergence de l’informatique et du jeu vidéo qui par leurs démocratisations durent commencer à combattre de nombreux préjugés… qui 32 ans après, ont fini par être dépassé et finalement s’imposent dans nos quotidiens, d’ailleurs par forcément dans leurs seuls aspects ludiques, mais ça c’est une autre histoire 😉