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[Niouze] dans les cartons

Temps de lecture : 5 minutes

Salut à tous les fidèles de ce blog et aux autres de passage. Je n’ai pas posté d’articles ces quinze derniers jours car je suis en plein processus de déménagement… ! Retour sur l’itinéraire d’un grand enfant pas spécialement gâté.

Me voilà dépossédé de ma baraque que je vends à perte alors qu’il ne me restait « plus que » 18 ans à casquer. C’est que le coût de la vie avec trois mômes (dont un qui part faire ses études sous peu) est profitable aux usuriers. Adieu jardin zen, home cinema, borne d’arcade, prises hi-fi et réseau local ! J’avais fait de cette maison un paradis pour papa-gamer, mais celui que j’étais quand j’ai rêvé et conçu ces bidules n’est plus. Ces fantasmes de cyber-propriétaire n’étaient que vanité – ah, jouer à Wipeout 2097 sur vidéoproj’ – mais il fallait bien les assouvir pour que je m’en rende compte.


L’accession à la propriété : mirage pour les uns, arnaque pour les autres, raison d’être pour certains, calcul rentable ou pari lucide sur l’avenir, substitut à une retraite illusoire, lieu commun économique, velléité de patrimoine, de respectabilité ou de toute puissance… tous les points de vue se côtoient. En ce qui me concerne, je ne me suis jamais fait d’illusions car pour moi, on ne peut pas posséder la terre : c’est la terre qui nous possède. Par ailleurs, la mobilité et le nomadisme sont plus importants que la sédentarité qu’implique un achat immobilier sur 25 ans, tout raisonnable qu’il soit sur le papier. « L’homme a besoin de nouvelles expériences. Le dormeur doit se réveiller » dixit Franck Herbert dans Dune. J’ai pris l’accession à la propriété comme l’une des ces expériences – j’ai fait de même en ce qui concerne la paternité – sauf que j’y ai laissé de sacrées plumes.


Comme j’ai, en quelque sorte, passé sept années à payer un gros loyer à la banque, je pense avoir gagné un état d’esprit en décalage avec les membres fondateurs de ce blog (ce que ces derniers apprécient et respectent, merci à eux) parce que la précarité économique qu’implique le fait d’être propriétaire mais également malchanceux (la crise de 2008 nous a durement frappé) m’a véritablement interdit de pouvoir jouir de la société de consommation à tous points de vue. Je sais que je ne suis pas le seul, et je ne comprends pas pourquoi si peu de voix s’élèvent contre tout ça. Je suis heureux, en tous cas, que la dernière chanson de Goldman pour les Enfoirés se soit faire défoncer par l’opinion publique. Grâce à lui, je sais que j’ai « toute la vie » pour me remettre de ce que je viens de traverser, parce que j’ai vu mes aînés s’enrichir comme des dingues pendant que je sombrais – et alors qu’eux autrefois sombraient, j’ai toujours été là pour les soutenir. Pour toute une génération la fête sera finie quand ils mourront. Pour moi la fête est finie aujourd’hui et tel Hamlet, me voilà privé de vie pour me conformer à la loi du père.

Finalement, peut être que c’est le fait de ne pas pouvoir consommer qui m’encourage à être passéiste, à adopter cette culture du retro-gaming, à me retourner sur les vieux rogatons du jeu vidéo, sans véritable nostalgie, mais juste parce que quand bien même je voudrais jouer à des jeux récents ou faire de la collectionnite aigüe que je ne le pourrais pas. Le gros de ce que je récolte passe pour mes enfants et le peu que je me réserve passe en pinard, pour partager, pour m’instruire, mais aussi, quelque part, pour oublier. Je me suis tellement habitué à vivre comme ça que je ne souhaite pas en changer, et que ce retour à un état antérieur de dénuement que je m’apprête à vivre n’inversera pas le paradigme, bien au contraire.


Si j’écris tout ça pour les quelques courageux qui seront arrivés jusqu’ici c’est que je pense que tous ceux qui constituent la première génération des jeux vidéo, qui sont nés en plein dans le société de consommation, qui ont eu la bonne idée de procréer, et dont je fais à 100% partie, portent en eux quelque chose de profondément auto-destructeur. Le mythe du développement personnel (dont je me méfie terriblement parce qu’il conduit à instrumentaliser tout et tout le monde à son propre profit) amène désormais à penser que chacun est responsable de ce qui lui arrive – c’est le « y’avait qu’à » / « t’avait qu’à » qui offre toujours une explication à tout. Une façon de penser qui peut d’ailleurs trouver son écho dans la façon même de jouer à des jeux vidéo, de progresser puis de gagner ou de perdre face à la machine.


Or, dans la réalité, nous devons à tout moment nous préparer à faire face à une régression d’ordre matériel ou moral, à abandonner quelque chose qu’on n’avait pas forcément prévu, et à y entrainer nos enfants, peut-être même en dépit de nous-mêmes. Jodorowski a écrit que « le désir est reçu, qu’on n’a pas de prise sur lui : on ne peut que le canaliser ou en jouir mais ni le provoquer ni l’annuler. » Quoi qu’il advienne de vos vies, vivez au maximum sans vous trahir. Je me mets en pause quelques temps, mais je reviendrai poster sur ce blog, c’est promis.


EDIT : après discussion en haut lieu avec Octopaddaone, je suis désolé pour la tonalité négative de ce post sur un blog materia qui d’ordinaire met de bonne humeur… mais en réalité je suis très loin de déprimer ! Dénoncer tous ces mécanismes et poser toutes ces désillusions fait du bien, et si vous avez besoin de changer de vie pour des raisons aussi triviales, vous vous rendrez compte que vous n’êtes pas les seuls. Je sais que bientôt je rejouerai à mes bons vieux Heroes 2 et Streets of Rage non pas parce que je suis fauché mais parce que j’aime vraiment ces jeux.

1 commentaire
  1. lamyfritz
    27 Nov. 2015 à 20:23 -----> lui répondre

    Libéré, délivré, je ne m’endetterai plus jamais !!!!

    Ca y est, c’est bel et bien fini… Grand moment !

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