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Pas facile de parler de « rétrotest » quand il s’agit de la Wii qui, après tout, n’est pas si vieille que ça, par rapport à une NES ou une Megadrive… Mais est-ce la course technologique de plus en plus décomplexée qui donne la sensation que les consoles de plus de trois ans appartiennent déjà à l’oubli ? Même si cela peut sembler un peu exagéré, d’une part, les développeurs ont abandonné la Wii, et d’autre part, disons qu’on reste dans les clous du « rétrotest » , puisqu’on va aujourd’hui comparer deux superbes jeux de plateformes, un genre devenu rare mais qui fut très en vogue au temps des consoles 16-bits. Il s’agit de Rayman Origins et de Super Mario Bros Wii.
Ces deux jeux ont les points communs suivants, du moins sur Wii : ils se jouent simplement, sans nunchuk, avec la wiimote placée à l’horizontale, et jusqu’à quatre joueurs en coopératif, ils mettent en scène des mondes à thèmes composés de plusieurs niveaux à débloquer, ils ont une parenté forte avec les jeux d’arcade classiques, ils sont bourrés d’un humour et de thèmes musicaux hyper fun, ils ont une bonne durée de vie, qui se voit augmentée avec des défis annexes, dont certains sont carrément difficiles, leur donnant des faux airs de jeux pour débutants (qu’ils ne sont clairement pas). Alors comment allons-nous les départager ?
Commençons par Rayman Origins, qui sera sans doute le moins connu pour nos lecteurs :
Sorti fin 2011, au moment de l’apogée de la Wii, Rayman Origins a fait face à une rude concurrence et n’a pas su trouver son public. C’est bien dommage car c’est un petit bijou et qui plus est, développé par une équipe française originaire de Montpellier, hé oui messieurs-dames ! Ce jeu de plateformes moderne et hyper dynamique met en scène l’étrange personnage de Rayman, qui fut la mascotte d’Ubi-Soft dans les années 90. Les papa-gamers ont certainement dû en entendre parler à l’époque, que ce soit sur PS-one ou sur PC.
Rayman Origins reprend pas mal d’ingrédients du premier opus : des musiques sympas, un humour loufoque, des graphismes hauts en couleur qui rappellent un dessin animé, des séquences de style shoot-them-up à dos de moustique, un univers cohérent, et le fait que le personnage évolue au fil des niveaux. Au début il ne peut que sauter, puis il apprend à frapper, à planer, à rétrécir, à nager, et enfin à courir sur les murs. Ainsi, en revenant dans les premiers niveaux, les pouvoirs acquis plus tardivement permettent de débloquer de nouveaux passages.
Mais Rayman Origins se distingue nettement de ses prédécesseurs des années 90 par son rythme ultra rapide et sa maniabilité hors pair. Les niveaux « coffres à pattes » vous donneront tout particulièrement du fil à retordre ! Le mode multijoueur coopératif, inspiré de Super Mario Bros Wii apporte du fun mais surtout augmente les chances de réussite lors de certains passages ardus (ou au contraire, parfois, les diminue). Les graphismes et la musique s’allient avec force pour une véritable immersion au pays des rêves : la dimension onirique de Rayman Origins se passe d’un scénario compliqué, elle est servie sur un plateau. La sauce prend, le rêve est là, sous nos yeux, avec son côté absurde et parfois loufoque, mais également avec son pendant négatif, le cauchemar, qui menace toujours en filigrane. On sent qu’on n’est pas dans un film de Disney ni chez les Bisounours de par la présence de certains petits détails inquiétants ou lugubres. Les boss, gargantuesques, en sont d’ailleurs la meilleure preuve. Mais ce côté tape-à-l’œil et clinquant est aussi quelque part la faiblesse du titre, qui manque parfois un peu de scénarisation et surtout de cinématiques, avec une fin en queue de poisson. La quête qui vise à débloquer les personnages jouables n’est pas motivante pour un brin et le dernier niveau caché est d’une difficulté rare.
Voyons maintenant ce qu’on nous dit du côté de chez Nintendo avec Super Mario Bros Wii.
Déjà un peu plus ancien car sorti fin 2009, Super Mario Bros Wii a toujours représenté une valeur sûre, parmi les titres phares de la console. Tout le monde sait maintenant qu’à chaque console qu’elle sort, l’entreprise Nintendo offre une réitération de ses meilleurs titres historiques : Zelda, Mario et Mario Kart, pour ne citer que les plus connus. Et ça marche… ça marche tout simplement parce qu’il y a un vrai savoir faire et un vrai désir de perfectionnement et d’innovation. La pression subie par les équipes de développement pour nous sortir chaque fois un nouveau chef d’œuvre est quasiment palpable dès l’écran titre du jeu.
Super Mario Bros Wii s’inscrit clairement dans cette tradition-là. Tout a été pensé dans les moindres détails pour séduire le joueur, jusque dans le packaging, la boîte du jeu rouge vif rappelant les jeux vidéo rétro des années 80. C’est que ce jeu vise volontairement le cœur d’un public adulte exigeant et nostalgique des vieux opus, le véritable Super Mario moderne et « tout public » de la Wii étant sans conteste Super Mario Galaxy. Par rapport à ses ancêtres, Super Mario Bros Wii se voit déjà beaucoup plus scénarisé et propose des petites cinématiques amusantes (la fin est déjà un tout petit peu mieux que celle de Rayman Origins). L’univers de Mario et de ses comparses est toujours aussi sympa et on retrouve avec plaisir les obstacles, ennemis et autres bonus revus au goût du jour. En termes de nouveautés, le jeu tire parti de la wiimote, puisque certains niveaux exploitent la possibilité d’incliner la télécommande, et que certains actions demandent parfois de secouer cette dernière. Celà ajoute du défi et demande parfois des stratégies de jeu inédites. Hélas, il me semble que cet aspect du jeu sonne creux, si ce n’est bancal, car la jouabilité n’est pas toujours au top, ce qui est TRES énervant dans un jeu de plateformes.
Le grand avantage de ce jeu est la possibilité de récolter et d’engager des powerups avant même de commencer un niveau, offrant pas mal de possibilités : lancer des projectiles de feu ou de glace pour éliminer les ennemis, marcher sur la glace, nager plus vite dans l’eau, emprunter les passages étroits, marcher sur l’eau, s’envoler ou planer dans les airs. Tout cela reste somme toute très classique, voire même assez standardisé. C’est un peu ce qui pêche, d’ailleurs, avec ce titre : une progression très standard, régulière, limite didactique, qui lui donne son côté « grand public ». Or, il en va de la lassitude du joueur, qui se tournera certainement davantage vers la dimension party game du jeu à plusieurs. Il ne faudrait pas oublier d’être critique face à cette tendance (savamment initiée par la Wii) à cibler l’hyper casual gamer, qui aujourd’hui a fait date et sévit désormais du pouce sur tablettes et smartphones.
Mais étrangement, Super Mario Bros Wii entretient intelligemment son côté rétro, et j’en veux pour preuve l’utilisation de la musique de fin de niveau du Super Mario Bros original sur NES lorsqu’on arrive à finir un niveau avec un Toad captif. C’est pour cela qu’il faut aussi prendre ce jeu pour ce qu’il est, et aller, en solo, au delà de la couche de vernis de party game édulcorée et revendiquée par Nintendo, qui de toutes façon rendra impossible toute tentative de réussir ne serait-ce que le premier monde à force de se pousser les uns les autres dans les trous en riant. Mais ce n’est pas grave, n’est-ce pas, d’en rester au simple stade de la découverte, puisqu’on se sera bien amusés et que c’était ça le but initial (vous aurez peut être saisi la comparaison explicite avec l’Education Nationale).
VERDICT : et si j’avais le choix ? Mario ou Rayman ?
– A niveau de l’expérience de jeu et de la durée de vie, Super Mario Bros Wii est un peu plus court, certes, mais il offre plus de quêtes secondaires avec son monde 9, sans être affreusement difficile comme le monde ultime de Rayman Origins. La course aux « lums » de ce dernier peut avoir un côté un peu répétitif, obligeant à refaire les niveaux, et rallongeant artificiellement la durée de vie du jeu.

Dernier stage de Rayman
– En revanche, le gros avantage de Rayman Origins réside dans le gameplay hyper dynamique et le fait de pouvoir donner des baffes pour tuer les ennemis, et pas simplement leur sauter dessus. Super Mario Bros Wii, quant à lui, pêche par sa jouabilité, qui est parfois très frustrante, sans parler des temps de passage entre deux niveaux.
– Niveau scénarisation, Super Mario Bros Wii l’emporterait d’une petite longueur d’avance mais Rayman Origins a un côté artistique plus prononcé, plus adulte, de par son côté sombre et onirique, tout en gardant une bonne dose d’humour et de bonne humeur. La musique y est vraiment excellente. A l’opposé, Super Mario Bros Wii a un côté un peu pipi-caca et « beuhârr » qui vise à séduire le public enfant, mais finalement, le jeu est assez dur, et son côté nostalgique le destine plutôt à des joueurs adultes, ce qui ne colle pas forcément avec son aspect lisse et enfantin.

Intro de Mario
– Au niveau du merchandising, Super Mario Bros Wii arrive loin devant Rayman Origins. On pourrait se dire que ce comparatif n’a pas de sens : ce serait un peu comme comparer une Mercédès à une Deux-Chevaux, ou un Château Margaux à un petit producteur de Bourgogne. Le joueur aura toujours plus d’attirance pour la belle boîte rouge du plombier, qui a ce petite côté vintage et must-have, une envergure que le personnage de Rayman n’aura jamais. Et pourtant, outre le fait de revendiquer que les grandes marques ne font pas forcément le bonheur des amateurs, je trouve justement que ce merchandising est ce qui fait l’ultime point faible de Super Mario Bros Wii. D’une, le jeu est commercial et ça se sent. De deux, impossible de le trouver neuf en dessous de 49,99 euros en 2013, quatre ans après sa sortie. On sent que Nintendo a fait marcher le tiroir caisse : les prix ont été maintenus au maximum pendant plusieurs années, pour accentuer le côté vintage du jeu, au détriment des consommateurs. Du coup, je préfère encore un Super Mario Galaxy, ouvertement grand public, original, et surtout meilleur marché.
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Rayman et la fée Betilla
Au final, dans le duel entre Super Mario Bros Wii et Rayman Origins, à mes yeux, c’est Rayman qui l’emporte, ne serait-ce parce que son rapport qualité-prix est imbattable, et que comme le sublime Okami, c’est un jeu magnifique, une œuvre d’art, qui a simplement eu le malheur de sortir au mauvais moment. Mais peut-être celà participe-t-il à son charme ? Van Gogh, dont les toiles sont aujourd’hui les plus chères du monde, n’a jamais rien vendu de son vivant. Quant à Mario, rendons donc à César ce qui appartient à César : il n’aura jamais besoin d’un blog pour être plébiscité… si ?