Temps de lecture : 8 minutes
« Ha ça ira, ça ira les développeurs à la lanterne » on chanté en cœur le populo gamer à la sortie du dernier épisode de la série Assassin’s Creed Unity d’Ubisoft en octobre dernier. Nombreux – dont l’octoteam – furent agacés face à un jeu décrié à juste titre pour ses bugs, ses collisions et ses situations rendant parfois asthmatiques de très bonnes config’ (pc) pour y jouer. Dans l’incompréhension générale, bon nombre de joueurs furent écœurés de voir – de nouveau Ubisoft – se fourvoyer en excuses bidons, déni puis mea culpa honteux (et je ne parle pas du coup de lâcher un jeu en échange du refus tacite des joueurs de porter leur colère en justice … j’invente ?). Ici, sur octopaddle.fr on a bien sûr jeté notre encre poulpesque sur ce jeu, et au-delà sur une licence qui commençait à sentir la naphtaline et avait dû mal – à première vue – à se renouveler. Et pourtant, oui et pourtant, ce jeu avait bien caché son … jeu.
Je ne vais pas écrire une ode à une série que j’ai toujours en partie appréciée, rassurez-vous ici pas de Doritos Gate, le paddle avant tout ;). Le premier m’avait « déchiré le slip » comme le dirait le critique cinéma survolté Yannick Dahan dans sa chronique consacrée au jeu sur Ciné Frisson en 2008.
Ha la découverte comme un jeune puceau de la grande Jérusalem, de St Jean d’Acre ravagée par la guerre … mais de suite les premières limites apparurent : gameplay approximatif et lent, gigantesque univers … vide et un imbroglio scénaristique à base de complot sauce cliffanger de saut temporel génétique … fuiiiiiii, stop les acides les gars ! Et à part avoir picoré (toujours pour baver et se balader dans des univers rendant hommage à l’Histoire), j’ai usé mon paddle sur quelques épisodes comme celui lié à La Renaissance (n°II), puis sur les mers de Caraïbes (III bis) et entre-temps un sympathique n°III sur la Révolution américaine. Et déjà sur ce dernier, je m’étais laissé à le ..finir, oui, je le dis le finir en raison du background historique qui m’avait bien passionné. Allez passons en détail le « pourquoi, il faut lui donner une nouvelle chance ».

Du n°I au n° pfuiiii j’ai arrêté de compter.
le joueur en prend plein la tronche
Et là, je pense que pour apprécier un bon Assassin’s creed, il faut entrer dans le background davantage que dans l’histoire principale qui bien souvent sert de bouche trou, pour rajouter du WTF bien lourdingue. Et là, je pense que peu diront le contraire, on ne peut qu’être séduit : La Révolution Française et son principal acteur : Paris. Quel pied d’explorer une ville immense, dont sa modélisation frise la perfection – non sans quelques petits anachronismes – mais franchement il y aura un avant et un après. Et quelle claque : que cela soit des bâtiments encore présents (Notre-Dame) ou disparus (la Bastille !), le joueur en prend plein la tronche, et surtout retrouve ce plaisir enfantin de ce dire « et si… » je montais là, je grimpais ici, je descendais là-bas », bref d’explorer. Et on peut dire que l’univers révolutionnaire y joue énormément pour ceux ayant suivi un tant soit peu leurs cours d’histoire au collège/ lycée.
On peut remercier les développeurs de ne pas avoir cédé à la facilité et permettre lors des visites et découvertes de la ville de faciliter l’accès à des fiches sur les monuments/ places et personnages rencontrés. Enfin, je sais où se situe la « cour des Miracles » ou encore la « prison du temple » désormais ! Seul bémol, outre certains aspects historiques anachroniques (les quilles rouges des bureaux de tabac au XVIIIe siècle ? La Marseillaise en 1791 ?), les rajouts « humoristiques » dans les notes historiques sont limites gonflants (destinées à faire sourire, en faite ces vannes tombent à plat : MAIS POURQUOI avoir placé ce pseudo humour dedans ? Inutile au possible).
Le second aspect : les améliorations de la série.
Hé oui, chaque licences AC, portent ses petites touches : enfin on peut entrer dans les bâtiments, et encore rebaffe : visiter le palais du Luxembourg, la Bastille ou Versailles, impossible de ne pas accrocher. Le gameplay a été retouché, et si on s’agace encore devant certaines approximations (lors d’escalades fortuites ou des chutes maladroites, sans parler de certaines fuites qui deviennent de vrais calvaires), la possibilité de pouvoir monter ou descendre en appuyant sur … une touche … RÉVOLUTIONNAIRE ! Enfin. De même, de pouvoir se dissimuler derrière un mur sur une simple touche, certes en copiant la série Splinter Cell …mais si cela fonctionne pourquoi se gêner ? Autre amélioration, enfin la sensation d’être un assassin : on grimpe, prépare ses attaques, repère les lieux, tue, disparaît et surtout on monte sur les toits sans rencontrer toute la ville ! Les toits sont enfin le domaine du joueur, cela accentue cette sensation du jeu du chat et de la souris. Cependant, on peut comprendre que face à ces améliorations de gameplay (et quelques lourdeurs toujours persistantes), certains – dont mon cher Hujyo – soient déçus car le fond du jeu n’a pas changé. Le scénario qui est ici capital dans ce type de jeu est quand à lui très maladroit (mais se suit quand même) : toujours à base de grosses ficelles autour de complots tirés par les cheveux entre templiers et assassins, saupoudrés de love story entre haine et passion lourdingues qui finalement peuvent lasser le joueur. Malheureusement, ces lourdeurs scénaristiques laisse un grand regret : mais pourquoi ne pas s’être focalisé sur la Révolution en devenant un vrai acteur agissant dans la Grande histoire ? Quelque fois le jeu semble le faire pour vite reculer, quel dommage ! Sans parler de ce sauts temporels dans le temps qui tout en donnant une autre image de la ville de Paris, finalement sont très anecdotiques et apportent peu.
Pour prendre un exemple sur un style qui lui a évolué à chaque itération (malgré la pauvreté de son scénario et c’est peu dire !), on peut penser à une licence comme Mario : en effet de la première itération sur NES à celle de Super Nes voire Wii U, le maitre Big N a transformer sa licence (sans parler des épisodes parallèles au jeu de plate-forme de base : Dr Mario, Mario Kart…) tout en gardant le fond, mais en le renouvelant du sol au plafond par l’ajout de nouveaux gameplay, d’univers divers et de multiples changements qui seraient trop longs d’énumérer ici.
Temporalité de jeu et promotion capitaliste trollesque
Pour conclure cet article, un point qui devient récurrent avec internet et les réseaux sociaux : l’absence de recul pour apprécier un jeu. Ici, sur octopaddle.fr, on apprécie de se plonger dans du bon vieux média culturel rétro ou plus audacieux, parler de ceux plus récents souvent avec le recul nécessaire… . Ce jeu se fait descendre au-delà de la raison – car finalement il est jouable et ambitieux – par un curieux mélange de sites web en mal de clic, de forums trollesques et de tsunamis médiatiques qui désormais sont malheureusement le lot de toute production culturelle. Si l’avantage d’internet est de mettre en relation des communautés désormais mondiales, on est bien souvent devant un dégueulis d’idées préconçues, digérées et massives, et seuls les quelques rocs dépassant la fange ambiante sont bien rares.
Oui, bien sûr le jeu vidéo n’est pas le gagne-pain de l’équipe, nous ne sommes pas soumis à la tyrannie du clic et qu’il y ait 1 ou 10 000 visiteurs, cela nous est égal. Ici, au coin du paddle, chacun exprime son avis indépendamment des « chartes », des éditeurs et de notre porte-monnaie, le but étant de se faire plaisir et de le partager avec vous octolecteurs, sans prise de tête et sans arrière-pensée… ainsi se gagne la vraie liberté.
Et pour cet ACU, il me semblait nécessaire de conclure sur le fond du jeu plutôt que les aspects tant décriés, qui finalement dégoûtent tout joueur honnête. Cela devient récurent sur internet : l’instantanéité prime sur le recul, et d’un jeu ou d’une réputation on peut se faire descendre d’un coup de clic… Et dans le cas de ce jeu, certes l’attente de beaucoup autour d’une grosse sortie de fin d’année accentue le phénomène, mais on peut avec du recul avoir un regard plus mesuré. Indubitablement, ACU est un bon jeu : on s’amuse, on apprend, on ressent des émotions : bref il remplit le carnet des charges d’un jeu à mes yeux. Certes, il a des petits défauts (j’ai eu de très rares bugs, oui c’est possible) qui sont aussi le lot de nombreux jeux. Certes la politique du DLC et des patchs correctifs d’Ubi est scandaleuse et inacceptable, et d’ailleurs Ubi le paiera pour le prochain épisode, je le pense. Mon seul regret est qu’Ubisoft n’ait pas décalé sa sortie pour le peaufiner (tout le monde n’est pas CD projeckt avec Witcher III décalé en mai 2015). J’espère qu’Ubi en prendra de la graine pour ces prochains jeux : pourquoi avoir forcé la sortie de ce jeu après 4 ans de développement en même temps qu’un très bon Far Cry 4 ? Est-ce que Ubi n’a pas trop grossi, devenant cet ogre rabelaisien qui engrange un besoin infini de ca$h sans tenir compte, comme le ferait un petit artisan peaufinant son travail, du produit fini ? En tout cas, je vous laisse méditer sur ces questions dans les commentaires, moi je retourne dans les rues de Paris, car une Révolution m’attend !
Pour faire du transmédia, car oui ici on est ambitieux 😉
– Voir l’excellent film sur la Révolution Française (2 épisodes soit 5h) La Révolution française : les années lumières / les années terribles (réalisé par Robert Enrico)
– Quand le jeu vidéo rencontre le ciné de genre ou l’inverse, voir les excellentes critiques déjantées d’un Yannick Dahan dans Opération Frisson
– Nos articles consacrés à Assassin’s creed Unity :
[Je(u vi(déo)#11] Histoire et jeux vidéo, un flirt difficile ? Retour sur le buzz Mélenchon/ Assassin’s creed (21/11/2014)
[coup de gueule/ test#17] Achetez aujourd’hui, appréciez… dans 6 mois (18/11/2014)