Temps de lecture : 6 minutes
Vous avez peut-être vu le dessin animé, qui vaut ce qu’il vaut, de Valérian et Laureline. Mais peut être ignoriez vous qu’il s’agit de l’adaptation libre d’une série de bandes dessinées française qui a commencé en 1967 et qui continue de faire des émules. Une exposition dédiée début juin à Strasbourg et un projet de film de Luc Besson confirmé le mois dernier achèveront peut-être de vous en convaincre. Retour sur un monument dont on ignore, à tort, l’impact culturel majeur.
Les auteurs, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières, ont donc commencé l’aventure de Valérian, Agent Spatio-temporel il y a près d’un demi-siècle. Cette série, tardivement rebaptisée Valérian et Laureline, a été menée à son terme en 2010, faisant d’elle la plus longue série de tous les temps pour un même duo d’auteurs.
L’intégrale de Valérian et Laureline est actuellement disponible en sept tomes chez Dargaud : il s’agit-là du meilleur moyen de (re)découvrir cette bande dessinée. Il faut savoir que Valérian et Laureline est un œuvre d’avant garde et engagée, mais qu’elle ne sacrifie pas pour autant au style et au plaisir du lecteur : c’est beau, c’est clair, et l’histoire tient la route. On y trouve des idées féministes, pacifistes et socialistes – au sens où on l’entendait des les années 70 – et en même temps ce sont des aventures qui emmènent le lecteur dans l’espace, développent une relation de couple moderne entre les deux héros, et questionnent notre rapport aux grands espaces. Il faut dire que les auteurs ont été très marqués par leur séjour dans le grand ouest américain, ayant été cow-boys dans les années 60… !
Les tomes les plus anciens accusent un style assez rétro, avec des personnages un peu difformes (on se croirait parfois presque dans les Thunderbirds !), mais sympas, car dans la droite ligne du magazine Pilote, où les aventures étaient publiées à l’époque. Au fil des tomes, cependant, la série gagne très rapidement en qualité. Du reste, Pilote a enfanté de très grands auteurs, véritables monstres sacrés de la bande dessinée, avec qui Mézières et Christin on eu une collaboration parfois directe, tels Moebius, Bilal, Druillet, Fred, Pratt et Tardi pour ne citer qu’eux.
Mais l’influence concrète de Valérian et Laureline, notamment sur la science-fiction, est considérable. On ne s’en rend pas tellement compte, car c’est un nom de BD qui n’est pas forcément très connu, par rapport à un Dragon Ball, un Tintin ou un Gaston par exemple. J’ai personnellement découvert la série il y a un an à peine, presque par hasard, et j’ai tout dévoré, jusqu’au dernier tome de l’intégrale, ce soir même.
Dans un premier temps, il faut savoir que les enfants qui s’appellent Valérian – prénom en vogue depuis la sortie de la BD – ont de fortes chances d’avoir été baptisés en l’honneur du héros spatio-temporel. Quant à Laureline… il s’agit d’un prénom inventé par les auteurs eux-mêmes ! Pas d’erreur possible, donc : quand vous avez affaire à une Laureline, c’est que Galaxity n’est plus très loin…
Ensuite, il faut savoir que la série a directement influencé La Guerre des Etoiles. En effet, George Lucas et son staff étaient familiers de l’univers de Mézières et Christin, et ils avaient étés en contact direct avec leurs bandes dessinées. Les emprunts sont parfois évidents et Mézières l’a pris avec beaucoup d’humour, comme l’atteste le dessin qu’il a réalisé en 1983 à l’issue des trois films, et que vous pouvez retrouver dans l’en-tête de cet article. Quand on sait quel monument est devenue la saga Star Wars, ça fait du bien à notre fierté nationale, vous ne trouvez pas ?
Enfin, on retrouve le même univers futuriste que Valérian et Laureline dans le célèbre film Le Cinquième Element, sorti en 1997 et que j’ai personnellement beaucoup aimé. La comparaison n’a ici rien d’étonnant, car Luc Besson, grand fan de la série Valérian et Laureline, a demandé aux auteurs de collaborer directement sur le film. Consécration ? On dirait que ça n’a pas suffi. Car maintenant, après son gros succès sur Lucy (que je n’ai pas vu, du reste), Besson veut officiellement et directement s’attaquer au grand monument qu’est Valérian et Laureline, comme pour réaliser un vieux rêve, avec des velléités d’hommage artistique. Peter Jackson a fait la même chose avec Tolkien, George Lucas a fait la même chose avec sa propre œuvre en la réitérant (comble de la mégalomanie), et Luc Besson s’y met à son tour. On peut donc raisonnablement s’attendre – surtout à la vue du casting annoncé – à ce que la série en ressorte bien abîmée. D’autant que les personnages de Valérian et Laureline, malgré leur place indéniablement prépondérante dans la SF moderne, me semblent peu suffisamment commerciaux pour répondre à la logique du cinéma actuel… Alors : bide en puissance ? Ou bien surproduction et com’ à gogo ? 2016 sera peut-être l’année de Valérian et Laureline sur tous les écrans, jusque dans les Mac Do et sur les chaussettes et paquets de céréales de vos enfants : méfiez-vous donc, papa-gamers attendris et nostalgiques que vous êtes !
Avant de terminer, faisons un petit détour par le dessin animé qui, par le truchement de mes enfants télévores, aura au moins eu le mérite de m’aiguiller vers la bande dessinée que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam. Historiquement, réaliser un dessin animé sur Valérian et Laureline était un vieux projet datant des années 70-80, véritable serpent de mer télévisuel, finalement adapté en 40 épisodes entre 2007 et 2008.
Le dessin animé adopte un style résolument manga sans en être un. Assez controversé, il dénature l’ambiance générale de la BD et lui est assez peu fidèle. Cependant, un effort de narration et un petit côté rétro très particulier rappellent les grandes heures d’Ulysse 31 ou d’un Cobra, voire d’un CowBoy Be-Bop. En le regardant, on sent tout de suite qu’il y a un décalage stylistique, un « retour vers le futur du passé »… le comble pour des agents spatio-temporels !
Il n’existe à ma connaissance aucun jeu vidéo sur cet univers, mais vous me direz, il n’en existe aucun non plus sur l’univers d’Albator, pourtant mythique… Cependant, j’ai pu capter une référence, dans Starcraft 2, avec le personnage du Prince Valérian, fils du despote Actarus Mengsk, ayant trahi son père pour rejoindre les rebelles (ci-dessous) !
En conclusion, ceux qui me connaissent savent déjà ce que je vais écrire, tout est dit dans le titre de mon article. Comme je l’ai déjà expliqué ailleurs en ce qui concerne Naruto, Harry Potter ou A Game of Thrones, dépêchez-vous avant qu’il ne soit trop tard : ruez-vous sur les bandes dessinées avant que le film ne sorte, et ce quand bien-même ce dernier serait une réussite. Laissez-vous d’abord emporter par la magie de la bande dessinée, ce que Scott Mac Cloud, auteur-dssinateur américain, appelait « L’Art Invisible« . Gardez à l’esprit que c’est une série qui a traversé près d’un demi-siècle et qui continue à vivre au travers d’autres œuvres qu’elle a directement inspirées. Allez, foncez lire Valérian et Laureline, vous ne le regretterez pas.